Wiphala, emblème de la philosophie andine
Ce drapeau multicolore représente les peuples andins et leur unification. Ses origines restent encore floues aujourd’hui, on les attribue à deux principales légendes…
Le drapeau des peuples andins
La Wiphala désigne un drapeau carré en damier, aux couleurs de l’arc-en-ciel. Son nom viendrait des deux phonèmes aymaras wiphai, expression solennelle d’un triomphe, et lapks lapks, évoquant le bruit d’un tissu claquant au vent.
Emblème et symbole sacré des peuples andins autochtones, on peut le voir aujourd’hui en Bolivie mais aussi en Colombie, en Equateur, au Pérou ou dans les régions andines du Chili ou d’Argentine. En Bolivie, sa variante la plus connue est le symbole de la communauté aymara, devenu emblème national depuis la nouvelle Constitution de 2008.
La Wiphala est brandi lors des événements familiaux, sociaux et culturels notables dans toute la région des Andes, en particulier dans les communautés ayllus et aymaras. Il est ainsi présent lors des naissances, des baptêmes et des enterrements. On peut le voir également au moment d’activités sociales moins familiales, élections politiques ou festivals comme celui d’Oruro.
Chaque couleur du drapeau possède une signification. Le rouge représente la terre (aka-pacha), élément qui permet la récolte et la subsistance. L’orange représente la société et la culture de communauté, ainsi que la fertilité. Le jaune est l’expression de l’énergie et de la force (ch’ama-pacha), qui sont toutes deux des valeurs phares de l’homme andin. C’est aussi le symbole de la solidarité et la fraternité. Le blanc représente le temps et la sagesse (jaya-pacha). C’est l’expression du développement des sciences, de la technologie, de l’art, et de la transformation permanente. Le vert est la couleur de l’économie et de la production. Il est le symbole des richesses naturelles et de leur exploitation par les peuples andins. Le bleu exprime l’espace cosmique et l’infini (araxa-pacha). Il s’agit également de tout ce qui concerne les lois naturelles. Et enfin, le violet est la couleur de la politique et des idéaux. C’est la représentation du pouvoir communautaire et des structures du pouvoir étatique.
Une origine historique discutée
L’origine de ce drapeau reste encore très discutée. Certains lui attribuent une origine tiwanacote ou inca, s’appuyant sur des objets retrouvés lors de fouilles archéologiques tels des tissus, des pétroglyphes ou des céramiques. Ainsi, pour les Aymaras notamment, le drapeau représenterait l’ensemble des peuples nés de l’Empire inca, appelé Tiwantisuyu en quechua ou Pusinsuyu en aymara. Ce territoire, à l’apogée de l’empire, était divisé en quatre régions principales. La diagonale formée par la plus longue succession de carrés de la même couleur symbolise ainsi une région blanche pour le Qullasuyu, jaune pour le Kuntisuyu, rouge pour le Chinchaysuyu et verte pour l’Antisuyu.
Certains pensent en revanche que ce drapeau – et le concept même de drapeau – n’est apparu qu’au XXe siècle et qu’il fait donc partie de l’histoire moderne des peuples andins. Cette théorie s’appuie sur le fait que la culture du drapeau comme symbole n’est pas américain mais européen, et qu’aucune pièce archéologique ne permet de confirmer avec certitude la présence de la wiphala dans ces cultures précolombiennes.
Son histoire moderne débuterait alors en 1944 avec la formation du Congrès national indigène de Bolivie. Pour la première fois fut formulée la nécessité d’attribuer aux peuples andins un drapeau qui leur soit propre. Jusqu’alors, le seul drapeau utilisé lors des événements et célébrations était blanc et uni. Les membres du congrès furent d’avis de créer un drapeau plus coloré, en accord avec l’esthétique aymara. Le motif formé de sept carrés sur sept que nous connaissons viendrait du design des étiquettes d’un soda vendu à l’époque, à mi-chemin entre le champagne et le cola.
L’explosion iconographique de ce drapeau dans les années 1970 est liée aux mobilisations du syndicalisme rural et des mouvements autochtones en Bolivie.
De nombreuses variantes
En 1978, le maire de Cuzco (Pérou) Gilberto Muñiz Caparó a déclaré la wiphala drapeau officiel de la ville. Les motifs de ce drapeau sont toutefois légèrement différents : il présente les mêmes couleurs sous forme de bandes horizontales, et non de carrés. C’est aujourd’hui sous cette forme que l’on peut le voir dans tout le Pérou.
Une autre variante de la Wiphala est celle de Túpac Katari, personnalité pionnière de la lutte contre la soumission des peuples andins. Le drapeau est constitué d’un damier aux couleurs différentes de celles de la Wiphala classique.
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